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être constante et déterminée. Nous ne pouvons, en effet, supposer raisonnablement qu’elle décroisse ; car si elle diminuait, si peu que ce fût, elle aurait actuellement déjà disparu, puisqu’un temps infini s’est déjà écoulé avant le moment présent. Nous ne pouvons pas davantage concevoir qu’elle puisse grandir indéfiniment : pour croître à la manière d’un organisme, par exemple, il lui faudrait se nourrir, et se nourrir de manière à produire un excédent de force ; or d’où pourrait provenir cette nourriture, ce principe d’accroissement ? — supposer une progression indéfinie des forces de l’univers, ce serait croire à un miracle perpétuel. Reste donc l’hypothèse d’une somme de forces constante et déterminée — non infinie par conséquent. Supposons maintenant ces forces réagissant les unes sur les autres absolument au hasard, en vertu du pur jeu des combinaisons, une combinaison engendrant nécessairement la combinaison suivante ; que va-t-il se produire dans l’éternité du temps ? Tout d’abord, nous sommes obligés d’admettre que ces forces n’ont jamais atteint la position d’équilibre et qu’elles ne l’atteindront jamais. Si cette combinaison — qui n’a évidemment rien d’impossible en soi — pouvait se produire un jour, elle se serait déjà produite, puisqu’un temps infini s’est déjà écoulé avant le moment présent — et le monde serait immobile à tout jamais, car il est impossible de concevoir comment l’équilibre parfait, une fois atteint, viendrait à se rompre. Nous sommes donc en face de ce fait qu’une somme de forces constante et déterminée produit dans l’infini du temps une suite ininterrompue de combinaisons. Or, puisque le temps est infini et que la somme totale des forces est déterminée, il viendra nécessairement un moment où — si grande qu’on suppose cette somme de forces et si colossal qu’on imagine le nombre des combinaisons qu’elle peut engendrer, — le jeu naturel et inintelligent des possibilités