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« Cette couronne du rire, cette couronne de roses, moi-même je l’ai posé sur ma tête ; moi-même j’ai sanctifié mon rire joyeux.

« Cette couronne du rire, cette couronne de roses : à vous, ô mes frères, je vous la jette. J’ai sanctifié le rire : hommes supérieurs, apprenez à rire[1]. »


III


« Celui qui, comme moi, s’est efforcé, poussé par je ne sais quelle énigmatique curiosité à penser l’hypothèse pessimiste jusque dans ses conséquences les plus profondes… s’est peut-être du même coup, et sans l’avoir voulu, ouvert les yeux pour l’idéal inverse : l’idéal de l’homme souverainement joyeux, vivant, heureux de vivre, qui n’a pas appris seulement à se résigner, à supporter le passé et le présent, mais qui veut encore revivre le passé et le présent — tel qu’il fut, tel qu’il est — et cela éternellement, qui crie sans se lasser da capo, non seulement à sa propre vie mais à toute la comédie universelle tout entière — et non pas seulement à une comédie, mais en réalité, à l’Être qui veut cette comédie — et qui la rend nécessaire : et cela parce qu’il se veut toujours à nouveau lui-même — et se rend ainsi nécessaire — Eh quoi ? Ne serait-ce pas là — circulus vitiosus deus[2]  ? Ce fut au mois d’août 1881 à Sils Maria que jaillit comme un éclair dans le cerveau de Nietzsche cette hypothèse du « Retour éternel[3] » qui est la base et aussi le couronnement de la philosophie du Surhomme. Elle peut se résumer ainsi : La somme des forces qui constituent l’univers paraît

  1. W. VI, 428, 430.
  2. W. VII, 80.
  3. Sur l’origine de cette hypothèse voir l’Appendice du présent volume, p. 184 ss.