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cate, par le don de se parer, de revêtir au physique et au moral mille formes différentes ; et surtout elle inspire de la pitié, beaucoup de pitié, car elle semble plus exposée à la souffrance, plus facile à blesser, elle a besoin de plus d’amour, elle est condamnée à plus de désillusions que les autres créatures.

Ce n’est d’ailleurs pas la femme idole qui excite le plus la colère de Nietzsche. Celle qu’il exècre surtout et qu’il poursuit de ses sarcasmes les plus féroces, c’est la femme « émancipée », qui a perdu la crainte et le respect de l’homme, qui n’entend plus se donner, mais prétend traiter avec lui d’égal à égal, qui ressent presque comme une injure les hommages et les ménagements du sexe fort envers les faibles femmes et veut concourir avec lui dans la lutte pour la vie. Rien ne lui est si odieux que le bas-bleu pédant qui a la prétention de se mêler de littérature, de science ou de politique, si ce n’est la femme « commis » qui, dans la société moderne où l’esprit industriel l’a emporté sur l’esprit aristocratique et guerrier, aspire à l’indépendance juridique et économique, proteste à grand fracas contre l’esclavage où elle est tenue, et organise de bruyantes campagnes pour obtenir des droits égaux à ceux de l’homme. Nietzsche avertit les femmes qu’elles font fausse route en voulant rivaliser avec les hommes, qu’elles sont en train de perdre leur influence, de se diminuer elles-mêmes dans l’estime publique. Leur intérêt est d’apparaître aux hommes comme des créatures d’une essence très différente, lointaines et inaccessibles, difficiles à comprendre et à gouverner, vaguement redoutables et aussi très fragiles, dignes de pitié, exigeant d’infinis ménagements. Et les voilà qui d’elles-mêmes se dépouillent de cette auréole de mystère, qui désapprennent la pudeur féminine prête à s’émouvoir au contact de toute réalité laide ou vulgaire, qui se mêlent volontairement à la multitude et prétendent jouer du coude, elles aussi, se