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le résultat de ses investigations. Sa philosophie est donc avant tout l’histoire de son âme. Zarathustra, ce type idéal de penseur et de prophète dont il décrit avec une si saisissante poésie la physionomie morale dans le plus célèbre de ses ouvrages, est à la fois l’incarnation de ses aspirations et de ses rêves, et aussi la démonstration vivante en quelque sorte de sa doctrine. C’est donc par l’examen de la personnalité de Nietzsche telle qu’elle se révèle à nous dans ses ouvrages et dans les souvenirs de ses parents et de ses amis que nous commencerons cette étude.


II


Une tradition assez incertaine mais que Nietzsche se plaisait à tenir pour authentique le faisait descendre, lui et les siens, d’une famille seigneuriale polonaise du nom de Niëtzky, qui se serait réfugiée en Allemagne vers le début du xviiie siècle à la suite de persécutions religieuses dirigées contre les protestants. Et nous serions assez tentés d’admettre qu’un peu de « sang noble » ait coulé dans les veines de Nietzsche. Peut-être ce fait aiderait-il à expliquer la prédominance, chez lui, d’instincts aristocratiques peu communs, semble-t-il, dans le milieu très respectable et très cultivé mais modestement bourgeois où il était né. Nietzsche était fils d’un pasteur de campagne prussien. Mais dès son enfance, il nous apparaît, si nous en croyons les récits de sa sœur, comme une nature d’élite à la fois très énergique, très raffinée et très passionnée, rappelant par bien des traits cet idéal du « Maître », de l’homme bien né dont il se plaira plus tard à décrire les