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tance la plus ordinaire qui lui rappelait sa mère bien-aimée, « suffisaient pour la jeter dans une grave agitation. Combien son chagrin se serait accru, si elle avait su l’agonie qui avait terminé l’existence de sa mère ! mais personne n’en avait le plus petit soupçon. Elvire était sujette à de fortes convulsions : on supposa qu’en ayant senti l’approche, elle s’était traînée jusqu’à la chambre de sa fille dans l’espoir d’être secourue ; qu’elle avait été prise d’une attaque soudaine, trop violente pour qu’elle y pût résister dans l’état d’affaiblissement où était sa santé, et qu’elle avait expiré avant d’avoir eu le temps de prendre la médecine qui la soulageait généralement, et qui se trouvait sur une tablette dans la chambre d’Antonia. Cette idée fut adoptée pur le peu de personnes qui s’intéressaient à Elvire ; sa mort fut regardée comme un événement naturel, et bientôt oubliée de tous, excepté de celle qui n’avait que trop de raisons de la déplorer.

Dans le fait, la situation d’Antonia ne laissait pas que d’être embarrassante et pénible : elle était seule, dans une ville de plaisir et de dépense : elle était mal pourvue d’argent, et plus mal encore d’amis. Sa tante Léonella était toujours à Cordoue, et elle ne savait pas son adresse ; elle n’avait point de nouvelles du marquis de Las Cisternas : quant à Lorenzo, elle avait depuis longtemps l’idée qu’elle lui était devenue indifférente. Elle ne savait à qui s’adresser dans cette position difficile : elle aurait désiré de consulter Ambrosio, mais elle se rappelait que sa mère lui avait ordonné de le fuir autant que possible, et la dernière conversation qu’elles avaient eue toutes les deux à ce sujet l’avait suffisamment éclairée sur les desseins du prieur pour la mettre en garde contre lui à l’avenir. Cependant, tous les avertissements de sa mère n’avaient pu détruire la bonne opinion qu’elle avait de