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apprenant la cause de ce bruit. On fit venir à l’instant un médecin ; mais au premier aspect du corps, il déclara qu’il n’était pas au pouvoir de l’art de rappeler Elvire à la vie ; il se mit donc à donner ses soins à Antonia qui, en ce moment en avait grand besoin. On la porta au lit, tandis que l’hôtesse s’occupait de donner des ordres pour l’enterrement d’Elvire. Dame Jacinthe était une bonne femme, simple, charitable, généreuse et dévote ; mais elle avait la tête faible, et elle était misérablement esclave de la crainte et de la superstition ; elle frissonnait à l’idée de passer la nuit dans la même maison qu’un cadavre ; elle était convaincue que l’ombre d’Elvire lui apparaîtrait, et non moins certaine qu’une telle visite la tuerait de frayeur : dans cette conviction elle résolut de passer la nuit chez une voisine, et insista pour que les funérailles eussent lieu le lendemain. Le cimetière de Sainte-Claire étant le plus près, on décida qu’Elvire y serait enterrée. Dame Jacinthe se chargea de tous les frais ; elle ne savait pas au juste quelle était la position pécuniaire d’Antonia, mais elle la croyait fort modeste à juger d’après l’économie avec laquelle avait vécu ce ménage : elle n’avait donc guère d’espoir d’être remboursée de ses avances ; mais cette considération ne l’empêcha pas de prendre soin que la cérémonie fût convenable, ni d’avoir tous les égards possibles pour la malheureuse Antonia.

Personne ne meurt de pur chagrin : Antonia en fut la preuve. Aidée de sa jeunesse et d’une saine constitution, elle surmonta la maladie que lui avait causée la mort de sa mère ; mais il ne fut pas aussi aisé de guérir le malaise de son âme : ses yeux étaient constamment remplis de larmes ; la moindre chose l’affectait, et elle nourrissait évidemment dans son sein une mélancolie profonde et enracinée. La plus légère mention d’Elvire, la circon-