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conditions qui lui seraient imposées. Ambrosio était déterminé à ne le point faire ; il se persuadait que, si coupable qu’il pût être, tant qu’il conserverait ses droits à la rédemption, il ne devait point désespérer du pardon. Il refusa donc positivement de former aucun engagement, aucun pacte avec les démons, et Mathilde le trouvant obstiné sur ce point, s’abstint de le presser davantage : elle appliqua son imagination à découvrir un moyen de mettre Antonia au pouvoir du prieur, et ce moyen ne fut pas long à se présenter.

Tandis qu’on méditait ainsi sa ruine, la malheureuse fille souffrait cruellement de la perte de sa mère. Tous les matins, au réveil, son premier soin était d’entrer dans la chambre d’Elvire ; le jour qui suivit la funeste visite d’Ambrosio, elle s’éveilla plus tard qu’à l’ordinaire : elle en fut avertie par l’horloge du couvent ; elle se hâta de sortir du lit, de jeter sur elle quelques vêtements, et elle allait s’informer comment sa mère avait passé la nuit, lorsque son pied heurta quelque chose qui lui barrait le passage. Elle regarda à terre. Quelle fut son horreur en reconnaissant la figure livide d’Elvire ! elle poussa un cri perçant, et se précipita sur le plancher ; elle serra contre son sein ce corps inanimé, y sentit le froid de la mort, et avec un mouvement de dégoût dont elle ne fut pas maîtresse, elle le laissa tomber de ses bras. Le cri avait alarmé Flora, qui était accourue au secours : le spectacle qu’elle vit la pénétra d’horreur ; mais ses clameurs furent plus fortes que celles d’Antonia ; elle fit retentir la maison de ses lamentations, tandis que sa maîtresse, presque suffoquée par la douleur, n’en pouvait donner d’autres marques que des sanglots et des gémissements, Les cris de Flora parvinrent bientôt aux oreilles de l’hôtesse, dont la terreur et la surprise furent excessives en