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Comme elle parlait, ses yeux étaient remplis d’une langueur délicieuse ; son sein palpitait. Elle entrelaça autour de lui ses bras voluptueux ; elle l’attira vers elle, et colla ses lèvres sur celles de son amant. Les désirs d’Ambrosio se rallumèrent ; le dé était jeté ; ses vœux étaient déjà rompus ; il avait déjà commis le crime : à quoi bon s’abstenir d’en savourer le fruit ? Il la serra contre son sein avec un redoublement d’ardeur. Dégagé de tout sentiment de honte, il lâcha la bride à ses appétits immodérés, tandis que la belle impudique mettait en pratique toutes les inventions de la débauche, tous les raffinements de l’art du plaisir qui pouvaient accroître le prix de sa possession et rendre plus exquis les transports du moine. Ambrosio goûtait des délices jusqu’alors inconnus. La nuit s’envola rapide, et le matin rougit de le voir encore étroitement serré dans les bras de Mathilde.

Ivre de plaisir, le moine quitta la couche luxurieuse de la syrène ; il n’était plus honteux de son incontinence, il ne redoutait plus la vengeance du ciel offensé. Sa seule crainte était que la mort ne le privât des jouissances pour lesquelles un long jeûne n’avait fait qu’aiguiser son appétit. Mathilde était toujours sous l’influence du poison, et le moine voluptueux tremblait moins de perdre en elle son sauveur que sa concubine. Privé d’elle, il ne lui serait pas facile de trouver une autre maîtresse avec qui il pût se livrer si pleinement et si sûrement à ses passions ; il la pressa donc instamment d’user des moyens de salut qu’elle avait déclarés être en su possession.

« Oui ! » repartit Mathilde, « puisque vous m’avez fait sentir le prix de la vie, j’emploierai tout pour sauver la mienne. Aucun danger ne m’effraiera. J’envisagerai har-