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tenant le silence serait criminel : toute la ville va être instruite de votre incontinence ; je vous démasquerai, misérable ! et j’apprendrai à l’église quelle vipère elle réchauffe dans son sein.

Pâle et confus, le coupable interdit restait tremblant devant elle ; il aurait bien voulu atténuer sa faute, mais il ne trouvait rien qui pût le justifier ; il ne lui venait à la bouche que des phrases sans suite, que des excuses qui se contredisaient l’une l’autre. Elvire était trop justement irritée pour accorder le pardon qu’il demandait : elle protesta qu’elle allait éveiller le voisinage, et faire de lui un exemple pour tous les hypocrites à venir. Alors, courant au lit, elle cria à Antonia de s’éveiller ; et voyant que la voix n’avait point d’effet, elle lui prit le bras, et la releva de dessus l’oreiller. Le charme opérait trop puissamment, Antonia resta insensible ; et quand sa mère la laissa aller, elle retomba sur l’oreiller.

« Ce sommeil n’est pas naturel ! » s’écria Elvire étonnée, et dont l’indignation croissait d’instant en instant ; « il y a là-dessous quelque mystère : mais tremblez, hypocrite ! votre scélératesse sera bientôt démasquée. Au secours ! au secours ! » cria-t-elle ; « venez ici ! Flora ! Flora ! »

« Écoutez-moi un seul instant, madame ! » s’écria le moine, rappelé à lui par l’urgence du danger. « Par tout ce qu’il y a de saint et de sacré, je jure que l’honneur de votre fille est intact. Pardonnez mon offense ! épargnez-moi la honte d’être découvert, et permettez-moi de regagner librement le couvent ; accordez-moi cette grâce, par pitié ! Je vous promets non seulement qu’Antonia n’aura plus rien à craindre de moi à l’avenir, mais encore que le reste de ma vie prouvera — »

Elvire l’interrompit brusquement :