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Les effets qu’il en avait obtenus ne lui permettaient pas de douter que le talisman ne réussît à prolonger le sommeil de celle qu’il allait posséder. À peine l’enchantement fut-il terminé qu’il la considéra comme absolument en son pouvoir, et ses yeux étincelèrent de désirs et d’impatience. Alors il jeta un regard sur la belle endormie : une simple lampe, qui brûlait devant la statue de sainte Rosalie, répandait une faible lueur dans la chambre, et permettait d’examiner tous les charmes de l’aimable objet qui était devant lui. La chaleur du temps l’avait obligée à rejeter une partie des couvertures ; celles qui la cachaient encore, l’insolente main d’Ambrosio se hâta de les écarter : elle avait la joue appuyée sur un bras d’ivoire, l’autre reposait sur le bord du lit avec une gracieuse indolence ; quelques tresses s’étaient échappées de la mousseline qui enfermait sa chevelure, et tombaient en désordre sur son sein, que soulevait une lente et régulière respiration. La chaleur avait semé sur sa joue des couleurs plus vives qu’à l’ordinaire ; un sourire d’une douceur inexprimable se jouait autour de ses lèvres de corail, d’où par intervalles s’échappait un faible soupir ou des mots inarticulés ; un air d’innocence et de candeur enchanteresse était répandu sur toute sa personne ; et il y avait dans sa nudité même une sorte de décence qui ajoutait de nouveaux aiguillons aux désirs du moine luxurieux.

Il resta quelque temps à dévorer des yeux ces charmes qui bientôt allaient être la proie de ses passions déréglées. Une bouche entr’ouverte semblait solliciter un baiser ; il se pencha dessus, unit ses lèvres aux lèvres d’Antonia, et en aspira avec transport l’haleine parfumée : ce plaisir fugitif accrut son ardeur pour de plus vives jouissances. Ses désirs étaient montés à cette frénésie dont les brutes