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inconnues. Ce dernier argument était entièrement faux : il ne savait pas combien est incertain le vent de la faveur populaire, et qu’un moment suffit pour faire aujourd’hui exécrer du monde celui qui hier en était l’idole. Le résultat de la délibération du moine fut qu’il poursuivrait son entreprise. Il franchit les marches qui menaient à la maison. Il n’eut pas plus tôt touché la porte avec le myrte d’argent, qu’elle s’ouvrit et lui donna un libre accès : il entra, et la porte se referma d’elle-même après lui.

Guidé par la lueur de la lune, il monta l’escalier avec lenteur et précaution. À tout moment il regardait autour de lui, inquiet et craintif : il voyait un espion dans chaque ombre, et entendait une voix dans chaque murmure de la brise nocturne. La conscience de l’attentat qu’il allait consommer épouvantait son cœur et le rendait plus timide que celui d’une femme. Cependant il continua : il atteignit la porte de la chambre d’Antonia ; il s’arrêta et écouta. Tout était paisible au dedans : ce silence absolu le convainquit que sa victime reposait, et il se hasarda à lever le loquet. La porte était verrouillée et résista à ses efforts ; mais elle ne fut pas plus tôt touchée par le talisman, que le verrou se tira : le ravisseur entra et se trouva dans la chambre où l’innocente fille dormait sans se douter qu’un si dangereux visiteur fût près de sa couche ; la porte se referma derrière lui, et le verrou revint de lui-même à sa place.

Ambrosio avança avec prudence ; il prit soin que pas une planche ne criât sous son pied, et il retint son haleine en approchant du lit. Sa première attention fut d’accomplir la cérémonie magique, ainsi que Mathilde le lui avait prescrit : il souffla trois fois sur le myrte d’argent en prononçant le nom d’Antonia, et le mit sous l’oreiller.