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l’ouvrit pour mieux entendre. Ayant jeté son voile sur sa figure, elle se hasarda à regarder dehors. À la clarté de la lune, elle aperçut en bas plusieurs hommes tenant en main des guitares et des luths ; et à une petite distance d’eux s’en tenait un autre enveloppé dans son manteau, et dont la taille et l’apparence avaient une forte ressemblance avec celles de Lorenzo. Elle ne se trompait pas dans cette conjecture : c’était effectivement Lorenzo lui-même qui, lié par sa promesse de ne pas se présenter à Antonia sans le consentement de son oncle, tâchait de temps en temps, par des sérénades, de convaincre sa maîtresse que son attachement durait toujours. Son stratagème n’eut pas l’effet désiré : Antonia était loin de supposer que cette musique nocturne fût un compliment qu’on lui destinât ; elle était trop modeste pour se croire digne de telles attentions : et, présumant qu’elles étaient adressées à quelque dame voisine, elle s’affligea de voir qu’elles l’étaient par Lorenzo.

L’air que l’on jouait était plaintif et mélodieux ; il s’accordait avec l’état de l’âme d’Antonia, et elle l’écouta avec plaisir. Après un prélude assez long des instruments, les voix leur succédèrent, et Antonia distingua les paroles suivantes.

SÉRÉNADE.
CHŒUR.

Oh ! exhale de doux accords, ma lyre ! c’est ici que la beauté aime à reposer : décris les tourments, la tendre ardeur qui déchire le sein d’un amant fidèle.

AIR.

Dans chaque cœur trouver un esclave, dans chaque âme établir son empire, mener en servage et le sage et le brave, et faire que le captif baise sa chaîne : tel est le pouvoir de l’amour ! — Hélas ! je souffre tant de connaître le pouvoir de l’amour !