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nal-duc l’ordre de m’arrêter ainsi que la supérieure ; mais que cet ordre ne s’exécute que vendredi à minuit. C’est la fête de sainte Claire ; il y aura une procession de nonnes à la lueur des torches, et je serai du nombre. Prenez garde qu’on ne sache votre intention : au moindre mot qui éveillerait les soupçons de la supérieure, vous n’entendriez plus parler de moi. Soyez prudent, si vous chérissez la mémoire d’Agnès et si vous désirez punir ses assassins. Ce que j’ai à vous dire glacera votre sang d’horreur !

« Sainte-Ursule. »

Le marquis n’eut pas plus tôt lu ce billet qu’il retomba sur son oreiller, sans connaissance ni mouvement. L’espoir, qui l’avait aidé à supporter l’existence, lui manquait ; et ces lignes lui prouvaient trop clairement qu’Agnès n’était plus. Le coup fut moins violent pour Lorenzo, dont l’idée avait toujours été que sa sœur avait péri par quelque moyen criminel. Lorsqu’il vit par la lettre de la mère Sainte-Ursule combien ses soupçons étaient vrais, leur confirmation n’excita en lui que le désir de punir les meurtriers comme ils le méritaient. Il ne fut pas facile de faire revenir le marquis. Dès qu’il eut recouvré la parole, il éclata en imprécations contre les assassins de sa bien-aimée, et jura d’en tirer une vengeance signalée. Il continua de se désespérer et de se livrer à son impuissante fureur, jusqu’à ce que sa constitution, affaiblie par le chagrin et la maladie, ne pût le supporter plus longtemps, et il retomba dans l’insensibilité. Cet état déplorable affectait sincèrement Lorenzo, qui aurait bien voulu rester dans la chambre de son ami ; mais d’autres soins à présent demandaient sa présence. Il était nécessaire de se procurer l’ordre d’arrêter l’abbesse de Sainte-Claire. Dans ce but, ayant confié Raymond aux soins des meil-