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« Arrêtez ! arrêtez ! mon amour ! Déjà les eaux bleues baignent mon pied qui se retire. Bannissez vos craintes, ô ma maîtresse ! nous voici à l’endroit le plus profond. »

« Arrêtez ! arrêtez ! pour l’amour de bien, arrêtez ! car, oh ! les eaux coulent sur mon sein. » — À peine le mot fut-il prononcé, que chevalier et coursier disparurent à la vue.

Elle crie, mais elle crie en vain ; car les vents déchaînés qui s’élèvent assourdissent ses clameurs ; le démon triomphe ; les flots heurtent et couvrent la malheureuse victime.

Trois fois, se débattant contre le courant, on entendit crier la jolie fille ; mais quand la fureur de la tempête fut calmée, la jolie fille ne fut plus revue.

Averties par cette histoire, vous, jolies demoiselles, prenez garde à qui vous donnez votre amour ! Ne croyez pas tous les beaux chevaliers, et ne dansez pas avec l’esprit des eaux !

Le jeune homme cessa de chanter. Les nonnes étaient charmées de la douceur de sa voix et de l’habileté avec laquelle il jouait de son instrument ; mais quelque agréables qu’eussent été ces applaudissements en tout autre moment, ils étaient maintenant sans prix pour Théodore ; son artifice n’avait pas réussi. En vain il s’arrêtait entre les stances ; aucune voix ne lui répondait, et il perdait l’espoir d’égaler Blondel.

La cloche du couvent avertit les nonnes qu’il était temps de se rendre au réfectoire. Elles furent obligées de quitter la grille : elles remercièrent le jeune homme du plaisir que sa musique leur avait fait, et lui recommandèrent de revenir le lendemain. Il le promit. Les nonnes, pour lui donner plus d’envie de tenir sa parole, lui dirent qu’il pourrait toujours compter sur le couvent pour sa subsistance, et chacune d’elles lui fit un petit cadeau : l’une lui donna une boîte de confitures, l’autre un Agnus Dei ; plusieurs lui apportèrent des reliques de saints, des figures de cire et des croix consacrées ; et d’autres lui offrirent de ces petits objets où les religieuses excellent, tels