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« En Danemarck, dites-vous ? » marmotta une vieille nonne : « ne sont-ils pas tous noirs en Danemarck ? »

« Nullement, révérende dame ; ils sont vert-pois tendre, avec des cheveux et des favoris couleur de flamme. »

« Mère de Dieu ! vert-pois ! » s’écria sœur Hélène : « oh ! c’est impossible ! »

« Impossible ! » dit la portière avec un regard de mépris et de triomphe : « pas du tout ; quand j’étais jeune femme, je me souviens d’en avoir vu plusieurs. »

Théodore accorda son instrument. Il avait lu l’histoire d’un roi d’Angleterre, dont un ménestrel avait découvert une ballade qu’elle lui avait apprise elle-même au château de Lindenberg : peut-être le son parviendrait-il jusqu’à elle, et répondrait-elle à quelqu’une des stances. Sa guitare était d’accord, et il se préparait à en jouer.

« Mais, avant de commencer, » dit-il, « il est nécessaire de vous prévenir, mesdames, que ce même Danemarck est terriblement infesté de magiciens, de sorcières et d’esprits malins. Chaque élément a ses démons qui lui sont propres. Les bois sont hantés par une divinité malfaisante, nommée Erl, ou le roi du chêne : c’est lui qui dessèche les arbres, gâte la moisson, et commande aux esprits et aux fantômes ; il paraît sous la forme d’un vieillard majestueux, portant une couronne d’or et une très longue barbe blanche ; son principal amusement est de soustraire les petits enfants à leurs parents, et aussitôt qu’il les tient dans sa caverne, il les met en mille pièces. Les fleuves sont gouvernés par un autre démon, appelé le roi des eaux : ses fonctions sont d’agiter la mer, d’occasionner des naufrages et d’entraîner sous les flots les marins qui se noient ; il a l’apparence d’un guerrier, et