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religieux ; et que, s’il savait en être digne, il pourrait compter sur sa protection. Théodore l’assura qu’il n’avait pas de plus haute ambition que de mériter sa bienveillance ; et après lui avoir ordonné de revenir encore causer avec elle le lendemain, l’abbesse quitta le parloir.

Les nonnes, qui par respect pour la supérieure étaient restées jusqu’alors silencieuses, se pressèrent contre la grille, et assaillirent le jeune homme d’une foule de demandes. Il les avait déjà examinées toutes avec attention. Hélas ! Agnès n’était point parmi elles. Les nonnes entassaient tellement question sur question, qu’il lui était presque impossible de répondre. L’une lui demandait où il était né, car son accent annonçait un étranger ; l’autre voulait savoir pourquoi il portait un emplâtre sur l’œil gauche ; sœur Hélène s’informait s’il n’avait pas une sœur qui lui ressemblât, parce qu’elle aimerait une telle compagne ; et sœur Rachel était pleinement convaincue que la compagnie du frère serait plus agréable. Théodore s’amusait à débiter aux crédules nonnes, comme des vérités, toutes les histoires étranges que son imagination pouvait inventer ; il leur racontait ses aventures supposées, et pénétrait son auditoire de stupeur en parlant de géants, de sauvages, de naufrages et d’îles habitées

« Par des anthropophages, et des hommes qui ont la tête au-dessous des épaules ; »


Avec mainte autre particularité pour le moins aussi remarquable. Il dit qu’il était né dans la terra incognita, qu’il avait été élevé à l’université des Hottentots, et qu’il avait passé deux ans chez les Américains de la Silésie.

« Quant à la perte de mon œil, » dit-il, « ç’a été une juste punition de mon irrévérence pour la Vierge, quand j’ai fait mon second pèlerinage à Lorette. J’étais près de