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conclurent leur conférence en décidant que ce serait rendre au ciel un vrai service que de prier l’abbesse d’intercéder auprès d’Ambrosio pour qu’il admît le mendiant dans l’ordre des capucins.

Ce point arrêté, la portière, qui était un personnage d’une grande influence dans le couvent, se rendit en toute hâte à la cellule de la supérieure. Là elle fit une si brillante énumération des qualités de Théodore, que la vieille dame fut curieuse de le voir : la portière fut donc chargée de le mener à la grille du parloir. Dans l’intervalle, le mendiant supposé sondait la sœur laie sur le sort d’Agnès ; mais sa déposition ne fit que confirmer les assertions de la supérieure. Agnès était tombée malade en revenant de confesse ; depuis elle n’avait pas quitté le lit, et la sœur avait assisté en personne à l’enterrement : elle attestait même avoir vu le corps mort, et avoir aidé de ses mains à le déposer dans la bière. Ce récit découragea Théodore : mais, ayant poussé aussi loin l’aventure, il résolut d’en voir la fin.

La portière revint et lui ordonna de la suivre. Il obéit, et fut conduit au parloir ; la dame abbesse était déjà derrière la grille. Elle était entourée des nonnes, qui s’étaient attroupées, curieuses d’une scène qui leur promettait quelque distraction. Théodore les salua avec un profond respect, et sa présence eut le pouvoir de dérider, un moment, même le front sévère de la supérieure. Elle lui fit plusieurs questions sur sa famille, sur sa religion, et sur les causes qui l’avaient réduit à la mendicité. Ses réponses à cet interrogatoire furent parfaitement satisfaisantes et parfaitement fausses. Elle lui demanda alors ce qu’il pensait de la vie monastique ; il en parla en termes pleins d’estime et de vénération : sur quoi l’abbesse lui dit qu’il n’était pas impossible d’obtenir qu’il fût admis dans un ordre