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manger sa portion à la porte du couvent : on y consentit sans difficulté. Sa douce voix et sa figure avenante, en dépit de son emplâtre, gagnèrent le cœur de la bonne vieille portière, qui, aidée d’une sœur laie, était occupée à donner à chacun sa part. Elle engagea Théodore à attendre que les autres fussent partis, et lui promit de faire droit à sa requête. Le jeune homme ne demandait pas mieux, car ce n’était pas pour manger la soupe qu’il se présentait au couvent. Il remercia la portière de la permission, s’éloigna de la porte, et s’asseyant sur une grande pierre, il s’amusa à accorder sa guitare pendant qu’on servait les mendiants.

Aussitôt que la foule fut partie, Théodore fut appelé à la porte et invité à entrer. Il obéit avec un extrême empressement ; mais il affecta un grand respect en passant le seuil consacré, et feignit d’être fort intimidé par la présence des révérendes dames. Sa prétendue timidité flattait la vanité des nonnes, qui entreprirent de le rassurer. La portière l’emmena dans son petit parloir : la sœur laie cependant était allée à la cuisine, d’où elle revint bientôt avec une double portion de soupe de meilleure qualité que celle qu’on donnait aux mendiants ; la vieille ajouta des fruits et des conserves pris sur ses provisions particulières, et toutes deux encouragèrent le jeune homme à manger de bon cœur. Il répondit à ces attentes par de vifs témoignages de reconnaissance, et une quantité de bénédictions pour ses bienfaitrices. Pendant qu’il mangeait, les nonnes admiraient la délicatesse de ses traits, la beauté de ses cheveux, et le charme et la grâce qui accompagnaient tous ses gestes. Elles déploraient tout bas entre elles qu’un si joli jeune homme fût exposé aux séductions du monde, et tombaient d’accord qu’il serait un digne pilier de l’église catholique. Elles