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une croyance qui faisait sa seule consolation. Chaque jour on l’assurait que le sort d’Agnès était l’objet de nouvelles recherches ; on inventait des histoires sur les diverses tentatives faites pour pénétrer dans le couvent ; et on relatait des particularités qui, sans promettre un succès complet, étaient suffisantes du moins pour entretenir ses espérances. Le marquis tombait toujours dans les plus terribles accès d’emportement lorsqu’il apprenait que ces imitatives supposées avaient échoué ; mais il ne croyait jamais que les suivantes auraient la même issue, et il espérait toujours être plus heureux la prochaine fois.

Théodore était le seul qui s’efforçât de réaliser les chimères de son maître. Il était éternellement occupé à faire des combinaisons pour entrer dans le couvent, ou du moins pour obtenir des nonnes quelques nouvelles d’Agnès : l’exécution de ces plans était le seul motif qui pût le décider à quitter don Raymond. Il était devenu un vrai Protée, et changeait de forme tous les jours ; mais toutes ses métamorphoses avaient fort peu de résultat : il revenait régulièrement au palais de Las Cisternas sans aucun renseignement qui pût confirmer les espérances de son maître. Unn jour il imagina de se déguiser en mendiant ; il se mit un emplâtre sur l’œil gauche, prit en main sa guitare, et se plaça à la porte du couvent. « Si Agnès y est réellement enfermée, » pensa-t-il, « et qu’elle entende ma voix, elle se la rappellera, et peut-être elle trouvera moyen de me faire savoir qu’elle y est. »

Dans cette idée, il se mêla à une troupe de mendiants qui s’assemblaient chaque jour à la porte de Sainte-Claire pour recevoir la soupe que les nonnes avaient coutume de leur distribuer à midi. Ils étaient tous munis de pots ou d’écuelles pour l’emporter ; mais Théodore, qui n’avait pas d’ustensile de cette espèce, demanda la permission de