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était entièrement nu ; une étoile étincelait à son front ; ses épaules déployaient deux ailes rouges, et sa chevelure soyeuse était retenue par un bandeau de feux de plusieurs couleurs, qui se jouaient à l’entour de sa tête, formaient diverses figures, et brillaient d’un éclat bien supérieur à celui des pierres précieuses ; des bracelets de diamants entouraient ses poignets et ses chevilles, et il tenait dans sa main droite une branche de myrte en argent ; son corps jetait une splendeur éblouissante ; il était environné de nuages couleur de rose, et au moment où il parut, une brise rafraîchissante répandit des parfums dans la caverne. Enchanté d’une vision si contraire à son attente, Ambrosio contempla l’esprit avec délice et étonnement ; mais toute son admiration ne l’empêcha pas de remarquer dans les yeux du démon une expression farouche, et sur ses traits une mélancolie mystérieuse, qui trahissaient l’ange déchu et inspiraient une terreur secrète.

La musique cessa. Mathilde s’adressa à l’esprit ; elle lui parlait une langue inintelligible pour le moine, et la réponse fut faite dans la même langue. Elle paraissait insister sur un point que le démon ne voulait pas accorder. Il lançait fréquemment sur Ambrosio des regards de colère, et à chaque fois celui-ci sentait son cœur défaillir. Mathilde eut l’air de s’irriter ; elle parlait d’un ton élevé et impérieux, et ses gestes annonçaient qu’elle le menaçait de sa vengeance. Ses menaces eurent l’effet désiré ; l’esprit tomba à genoux, et d’un air soumis lui présenta la branche de myrte. — Elle ne l’eut pas plus tôt reçue, que la musique recommença ; un nuage épais s’étendit sur la vision ; les flammes bleues disparurent, et une complète obscurité régna dans la caverne. Le prieur ne bougea pas de sa place ; ses facultés étaient