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le guida à travers divers étroits passages ; et de chaque côté, comme ils avançaient, la clarté de la lampe ne montrait que les objets les plus révoltants : des crânes, des ossements, des tombes et des statues dont les yeux semblaient à leur approche flamboyer d’horreur et de surprise. Enfin ils parvinrent à un vaste souterrain dont l’œil cherchait vainement à discerner la hauteur : une profonde obscurité planait sur l’espace ; des vapeurs humides glacèrent le cœur du moine, et il écouta tristement le vent qui hurlait sous les voûtes solitaires. Ici Mathilde s’arrêta ; elle se tourna vers Ambrosio, dont les joues et les lèvres étaient pâles de frayeur. D’un regard de mépris et de colère, elle lui reprocha sa pusillanimité ; mais elle ne parla pas. Elle posa la lampe à terre près du panier ; elle fit signe à Ambrosio de garder le silence, et commença les rites mystérieux. Elle traça un cercle autour de lui, et un autre autour d’elle ; puis prenant une petite fiole dans le panier, elle en répandit quelques gouttes sur la terre devant elle ; elle se courba sur la place, marmotta quelques phrases inintelligibles ; et immédiatement il s’éleva du sol une flamme pâle et sulfureuse, qui s’accrut par degrés, et finit par étendre ses flots sur toute la surface, à l’exception des cercles où se tenaient Mathilde et le moine ; ensuite la flamme gagna les énormes colonnes de pierre brute, glissa le long de la voûte, et changea le souterrain en une immense salle toute couverte d’un feu bleuâtre et tremblant : il ne donnait aucune chaleur ; au contraire, le froid extrême du lieu semblait augmenter à chaque instant. Mathilde continua ses incantations. Par intervalles, elle tirait du panier divers objets, dont la nature et le nom, pour la plupart, étaient inconnus au prieur ; mais dans le peu qu’il en distingua, il remarqua particulièrement trois doigts humains et un Agnus Dei