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brosio crut discerner des accents, et une fois entre autres il fut presque convaincu d’avoir entendu une voix défaillante s’écrier : « Dieu ! ô Dieu ! pas d’espoir ! pas de secours ! »

De plus profonds gémissements suivirent ces paroles ; puis elles s’évanouirent par degrés, et le silence universel régna de nouveau.

« Que signifie cela ? » pensa le moine effaré.

En ce moment une idée qui lui traversa l’esprit le pétrifia presque d’horreur ; il frémit, et eut peur de lui-même.

« Serait-ce possible ! » soupira-t-il involontairement ; « serait-ce bien possible ! oh ! quel monstre je suis ! »

Il résolut d’éclaircir ses doutes, et de réparer sa faute, s’il n’était pas déjà trop tard. Mais ces sentiments généreux et compatissants furent bientôt mis en fuite par le retour de Mathilde. Il oublia l’infortunée qui gémissait, et ne se souvint que du danger et de l’embarras de sa propre situation. La lumière de la lampe qui revenait dora les murs, et en peu d’instants Mathilde fut près de lui. Elle avait quitté son habit religieux ; elle était vêtue d’une longue robe noire, ou étaient tracés en broderie d’or quantité de caractères inconnus : cette robe était attachée par une ceinture de pierres précieuses dans laquelle était passé un poignard ; son cou et ses bras étaient nus ; elle portait à la main une baguette d’or ; ses cheveux étaient épars, et flottaient en désordre sur ses épaules ; ses yeux étincelants avaient une expression terrible, et tout en elle était fait pour inspirer la crainte et l’admiration.

« Suivez-moi ! » dit-elle au moine d’une voix lente et solennelle ; « tout est prêt ! »

Il sentit ses membres trembler en lui obéissant. Elle