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sort était décidé ; il n’y avait aucune possibilité de s’échapper. Il combattit donc ses appréhensions, et appela à son secours tous les arguments qui pouvaient le mettre en état de soutenir courageusement cette épreuve : il réfléchit qu’Antonia serait le prix de son audace ; il s’enflamma l’imagination en énumérant les charmes de sa maîtresse ; il se persuada qu’il aurait toujours, comme avait dit Mathilde, le temps de se repentir ; et que, puisqu’il n’avait recours qu’à elle et non aux démons, le crime de sorcellerie ne pourrait lui être imputé. Il avait lu beaucoup d’ouvrages sur cette matière ; il se dit que tant qu’il n’aurait pas renoncé à son salut dans un acte formel signé de sa main, Satan n’aurait aucun pouvoir sur lui : or, il était bien déterminé à ne jamais souscrire un tel acte, quelque menace qu’on lui fît ou quelque avantage qu’on lui présentât.

Telles étaient ses méditations en attendant Mathilde. Elles furent interrompues par un sourd murmure, qui ne paraissait pas venir de loin. Il tressaillit. — Il écouta. Quelques minutes passèrent en silence, après quoi le murmure recommença : c’était comme le gémissement d’une personne souffrante. Dans toute autre position, cette circonstance n’aurait fait qu’exciter son attention et sa curiosité ; en ce moment, sa sensation dominante fut la terreur : son imagination, entièrement préoccupée des idées de sorcellerie et d’esprits, se figura que quelque âme en peine rôdait près de lui ; ou bien que Mathilde avait été victime de sa présomption, et périssait sous les griffes cruelles des démons. Le bruit ne paraissait pas approcher, mais continuait de s’entendre par intervalles ; quelquefois, il devenait plus distinct — sans doute lorsque les souffrances de la personne qui gémissait devenaient plus aiguës et plus intolérables. De temps à autre, Am-