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vêtement, et, s’approchant du bain préparé pour elle, elle mit son pied dans l’eau : le froid la saisit, et elle le retira. Quoiqu’elle ne se doutât pas qu’on l’observait, un sentiment naturel de pudeur la portait à voiler ses charmes, et elle se tenait hésitante, au bord de la baignoire, dans l’attitude de la Vénus de Médicis. En ce moment un linot apprivoisé vola vers elle, plongea la tête entre ses seins, et les becqueta en jouant. Antonia, qui souriait, essaya en vain de se délivrer de l’oiseau ; il lui fallut lever les mains pour le chasser de son délicieux asile. Ambrosio n’en put supporter davantage : ses désirs s’étaient tournés en frénésie.

« Je cède ! » cria-t-il en jetant violemment le miroir à terre : « Mathilde, je vous suis ! faites de moi ce que vous voulez ! »

Elle n’attendit pas qu’il réitérât ce consentement. Il était déjà minuit. Elle vola à sa cellule, et revint bientôt avec son petit panier et la clef du cimetière, qui était restée en sa possession depuis sa première visite aux caveaux. Elle ne donna point au moine le temps de la réflexion.

« Venez ! » dit-elle, et elle lui prit la main ; « suivez-moi, et soyez témoin des effets de votre résolution. »

À ces mots, elle l’entraîna précipitamment. Ils passèrent dans le lieu de sépulture sans être vus, ouvrirent la porte du sépulcre, et se trouvèrent à l’entrée de l’escalier souterrain. Jusqu’alors la clarté de la lune avait guidé leurs pas, mais à présent cette ressource leur manquait. Mathilde avait négligé de se pourvoir d’une lampe. Sans cesser de tenir la main d’Ambrosio, elle descendit les degrés de marbre ; mais l’obscurité profonde qui les enveloppait les obligeait de marcher avec lenteur et précaution.