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Elvire, et m’ont inspiré l’idée de favoriser vos projets. Leurs rapports ont été ma seule consolation. Vous aviez beau éviter ma présence, toutes vos démarches m’étaient connues ; que dis-je ? j’étais toujours, jusqu’à un certain point, avec vous, grâce à ce don si précieux. »

À ces mots, elle tira de dessous son habit un miroir d’acier poli, dont les bords étaient couverts de différents caractères étranges et inconnus.

« Dans tous mes chagrins, dans tous mes regrets de votre froideur, j’ai été préservée du désespoir par la vertu de ce talisman. En prononçant certaines paroles, on y voit paraître la personne à qui on pense. Ainsi, quoique je fusse exilé de votre présence, vous, Ambrosio, vous étiez toujours présent pour moi. »

La curiosité du moine fut fortement excitée.

« Ce que vous racontez est incroyable ! Mathilde, ne vous jouez-vous pas de ma crédulité ? »

« Jugez par vos yeux. »

Elle lui mit le miroir dans la main. La curiosité poussa Ambrosio à le prendre, et l’amour à désirer qu’Antonia parût. Mathilde prononça les paroles magiques. Aussitôt une épaisse fumée s’éleva des caractères tracés sur les bords, et se répandit sur toute la surface ; bientôt elle se dispersa peu à peu. Il se présenta aux yeux du moine un mélange confus de couleurs et d’images qui se rangèrent enfin d’elles-mêmes à leur place, et il vit en miniature les traits charmants d’Antonia.

Le lieu de la scène était un petit cabinet attenant à la chambre où elle couchait. Elle se déshabillait pour se mettre au bain ; ses longues tresses de cheveux étaient déjà relevées. L’amoureux moine eut pleine liberté de contempler les voluptueux contours et les admirables proportions de ses membres. Elle se dépouilla du dernier