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violer mes vœux, vous qui, la première, avez éveillé mes vices endormis, m’avez fait sentir le poids des chaînes de la religion, et m’avez convaincu que le crime avait ses plaisirs. Mais si mes principes ont cédé à la force de mon tempérament, il me reste suffisamment de grâce pour frémir à l’idée de la sorcellerie, et pour éviter un forfait si monstrueux, si impardonnable ? »

« Impardonnable, dites-vous ? Que signifie donc votre éloge continuel de la miséricorde infinie du Tout-Puissant ? a-t-il donc mis récemment des bornes ? ne reçoit-il plus le pécheur avec joie ? Vous lui faites injure, Ambrosio. Vous aurez toujours, vous, le temps de vous repentir, et lui, la bonté de pardonner. Procurez-lui une glorieuse occasion d’exercer cette bonté : plus grand sera le mérite de son pardon. Finissez-en avec ces scrupules d’enfant : laissez-vous persuader pour votre bien, et suivez-moi au cimetière. »

« Oh ! cessez, Mathilde ! Ce ton railleur, ce langage audacieux et impie, sont affreux dans toutes les bouches, mais surtout dans celle d’une femme. Laissons cet entretien, qui n’excite pas d’autres sentiments que l’horreur et le dégoût. Je ne vous suivrai pas au cimetière, et je n’accepterai pas les services de vos agents infernaux. Antonia sera à moi, mais à moi par des moyens humains. »

« Alors elle ne sera jamais à vous ! Vous êtes banni de sa présence ; sa mère a ouvert les yeux sur vos desseins, et maintenant elle est en garde contre eux. Bien plus, Antonia en aime un autre : un jeune homme d’un mérite distingué possède son cœur ; et si vous n’intervenez, dans peu de jours il sera son époux. Je tiens cette nouvelle de mes invisibles serviteurs, auxquels j’ai eu recours dès que j’ai remarqué votre indifférence. Ils ont épié toutes vos actions : ils m’ont redit tout ce qui s’est passé chez