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pelèrent à mon aide un ange déchu. Jugez quelle dut être ma joie quand je découvris que mes terreurs étaient imaginaires ; je vis le démon obéir à mes ordres ; je le vis trembler devant moi, et je reconnus qu’au lieu de vendre mon âme à un maître, mon courage m’avait acheté un esclave. »

« Téméraire Mathilde ! qu’avez-vous fait ? Vous vous êtes condamnée à la perdition éternelle ; vous avez troqué contre un pouvoir momentané l’éternel bonheur. Si c’est de la magie que dépend la satisfaction de mes désirs, je renonce absolument à votre aide ; les conséquences en sont trop horribles. J’adore Antonia, mais je ne suis point assez aveuglé par mes sens pour sacrifier à sa possession mon existence dans ce monde et dans l’autre. »

« Ridicules préjugés ! Oh ! rougissez, Ambrosio, rougissez d’être assujetti à leur empire. Où est le risque d’accepter mes offres ? quel motif aurais-je de vous donner ce conseil, si ce n’était le désir de vous rendre au bonheur et au repos ? S’il existe du danger, il tombera sur moi ; c’est moi qui invoquerai le ministère des esprits : à moi seule sera le crime, et à vous le profit ; mais il n’y a nul danger. L’ennemi du genre humain est mon esclave, et non mon souverain. N’y a-t-il aucune différence entre donner et recevoir des lois, entre servir et commander ? Éveillez-vous de vos rêves frivoles, Ambrosio ! rejetez loin de vous ces terreurs si peu faites pour une âme telle que la vôtre ; laissez-les au commun des hommes, et osez être heureux ! Accompagnez-moi cette nuit aux caveaux de Sainte-Claire ; soyez-y témoin de mes enchantements, et Antonia est à vous. »

« L’obtenir par de tels moyens ! je ne le puis ni ne le veux. Cessez donc de vouloir me persuader, car je n’ose employer le ministère de l’enfer. »