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m’interrompez pas. Si ma confession vous révolte, rappelez-vous qu’en la faisant, mon seul but est de satisfaire vos vœux, et de rendre à votre cœur la paix qu’il a perdue. Je vous ai déjà dit que mon tuteur était un homme d’un savoir peu commun ; il prit la peine de m’initier à ce savoir dès l’enfance. Parmi les sciences diverses que la curiosité l’avait induit à explorer, il n’avait pas négligé celle qui est regardée par la plupart des gens comme impie, et par beaucoup d’autres comme chimérique : je parle des arts relatifs au monde des esprits. Ses profondes recherches des causes et des effets, son infatigable application à l’étude de la philosophie naturelle, sa connaissance profonde et illimitée des propriétés et vertus de chaque pierre précieuse qui enrichit l’abîme, de chaque herbe que la terre produit, lui procura enfin la récompense qu’il avait si longtemps, si ardemment recherchée. Sa curiosité fut pleinement satisfaite, le but de son ambition entièrement atteint ; il dictait la loi aux éléments ; il pouvait renverser l’ordre de la nature ; ses yeux lisaient les décrets de l’avenir, et les esprits infernaux étaient dociles à sa voix. Pourquoi reculer loin de moi ? je comprends ce regard scrutateur : vos soupçons sont vrais, quoique vos terreurs ne soient pas fondées. Mon tuteur ne m’a pas caché la plus précieuse de ses découvertes ; cependant, si je ne vous avais pas vu, je n’aurais jamais fait usage de mon pouvoir. Comme vous, je frémissais à la pensée de la magie ; comme vous, je me formais une idée terrible du danger d’évoquer un démon. Pour sauver cette vie dont votre amour m’avait enseigné le prix, j’ai eu recours aux moyens que je tremblais d’employer. Vous rappelez-vous cette nuit que j’ai passée dans les caveaux de Sainte-Claire ? C’est alors qu’environnée de corps en dissolution, j’osai accomplir ces rites mystérieux qui ap-