Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

haleine, une main hardie violer les trésors de son sein, et le moine enfermé dans ses membres délicats et faiblissants. Surprise, alarmée et confuse d’une telle action, la stupeur lui ôta d’abord toute possibilité de résistance. Enfin, se remettant, elle essaya d’échapper aux embrassements du moine.

« Mon père ! — Ambrosio ! » cria-t-elle ; « laissez-moi, pour l’amour de Dieu ! »

Mais le moine licencieux ne tint pas compte de ses prières : il persista dans son dessein, et se mit en devoir de prendre encore de plus grandes libertés. Antonia priait, pleurait et se débattait : épouvantée à l’excès, bien que sans savoir de quoi, elle employa tout ce qu’elle avait de force à le repousser, et elle était sur le point de crier au secours, lorsque soudain la porte s’ouvrit. Ambrosio eut juste assez de présence d’esprit pour s’apercevoir du danger. Il quitta à regret sa proie, et se releva précipitamment du sofa. Antonia poussa une exclamation de joie, vola vers la porte et se trouva dans les bras de sa mère.

Alarmée de quelques discours du prieur qu’Antonia avait innocemment répétés, Elvire avait résolu de vérifier ses soupçons. Elle avait vu assez le monde pour ne pas se laisser imposer par la réputation de vertu du moine ; elle se souvenait de certaines circonstances, peu importantes en elles-mêmes, mais qui, réunies, semblaient autoriser ses craintes. Ces visites fréquentes, bornées, autant qu’elle pouvait voir, à leur seule famille ; l’émotion qu’il laissait paraître dès qu’elle parlait d’Antonia ; la pensée qu’il était dans toute la force et dans toute l’ardeur de l’âge ; et, par-dessus tout, cette pernicieuse philosophie révélée par sa fille, et qui était si peu d’accord avec le langage qu’il tenait en sa présence ; toutes ces circonstances lui