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calmait, vous plaisait, vous pénétrait au fond de l’âme ? dont la présence était un bonheur et l’absence un chagrin ? avec qui votre cœur avait l’air de s’épanouir, et dans le sein duquel, avec une confiance sans réserve, vous épanchiez les soucis du vôtre ? N’avez-vous pas éprouvé tout cela, Antonia ? »

« Certainement : je l’ai éprouvé la première fois que je vous ai vu. »

« Moi, Antonia ? » s’écria-t-il, les yeux étincelants de joie et d’impatience, et lui saisissant la main qu’il pressa avec transport sur ses lèvres. « Moi, Antonia ? vous avez éprouvé ces sentiments pour moi ? »

« Et même plus vifs que vous ne les avez décrits. Du premier instant où je vous ai vu, je me suis sentie si charmée, si intéressée ! j’attendais avec tant d’anxiété le son de votre voix ! et quand je l’entendis, elle me parut si douce ! elle me parlait un langage jusqu’alors si inconnu ! il me semblait qu’elle me disait une foule de choses que je désirais d’entendre ! Il me semblait que j’étais connue de vous depuis longtemps, que j’avais droit à votre amitié, à vos avis, à votre protection ; j’ai pleuré quand vous êtes parti, et j’ai soupiré après le jour qui devait vous rendre à ma vue. »

« Antonia ! ma charmante Antonia ! » s’écria le moine, et il la pressa contre son sein. « Puis-je en croire mes sens ? Répétez-le-moi, ma chère fille ! redites-moi que vous m’aimez, que vous m’aimez sincèrement et tendrement ! »

« Oui, en vérité : excepté ma mère, personne au monde ne m’est plus cher que vous. »

À cet aveu ingénu, Ambrosio ne se posséda plus : éperdu de désirs, il la serra dans ses bras, toute rouge et toute tremblante. Antonia sentit deux lèvres avides se coller sur les siennes, et aspirer sa pure et délicieuse