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CHAPITRE VII.


Ah ! qu’ils sont obscurs ces immenses royaumes et ces lugubres déserts, où il ne règne que le silence et la nuit, la sombre nuit, sombre comme était le chaos avant que le globe du soleil fût créé, ou qu’il essayât ses rayons naissants au travers des ténèbres profondes ! La torche languissante qui luit sous les voûtes basses et brumeuses, tapissées d’humides moisissures et de traînées visqueuses, y sème un surcroît d’horreur, et ne sert qu’à rendre la nuit plus pénible !
Blair.
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Ambrosio revint au couvent sans avoir été découvert, et l’esprit plein des plus séduisantes images. Il s’aveuglait obstinément sur le danger de s’exposer aux charmes d’Antonia : il ne songeait qu’au plaisir qu’il avait eu à se trouver avec elle, et se réjouissait à l’idée de jouir encore de ce plaisir. Il ne manqua pas de profiter de l’indisposition de la mère pour voir la fille tous les jours. D’abord il borna ses vœux à inspirer de l’amitié à Antonia ; mais il ne fut pas plus tôt convaincu qu’elle éprouvait ce sentiment dans toute son étendue, que son but devint plus décidé, et que ses attentions prirent une couleur plus vive. L’innocente familiarité dont elle usait avec lui encourageait ses désirs. Avec le temps, la pudique jeune fille ne lui inspira plus la même crainte respectueuse : il admirait toujours sa modestie, mais il n’en était que