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« Sainte-Vierge ! ce que vous dites est très juste. Oh ! mais ne pourrait-il pas être né dans le monastère ? »

Elvire sourit.

« Non, pas très aisément. »

« Attendez ! attendez ! la mémoire me revient. On l’y a mis tout enfant ; le peuple dit qu’il est tombé du ciel, et que les capucins l’ont reçu en présent de la Sainte-Vierge ! »

« C’est fort aimable à elle. Ainsi il est tombé du ciel, Antonia ? Quelle chute terrible il a dû faire ! »

« Bien des gens ne croient pas à cette histoire ; et je suppose, chère mère, que je dois vous ranger au nombre des incrédules. Comme notre hôtesse l’a dit à ma tante, l’opinion générale est que ses parents, étant pauvres et hors d’état de le nourrir, l’ont laissé, lorsqu’il est né, à la porte du couvent ; le dernier supérieur l’y a fait élever par pure charité, et il est devenu un modèle de vertu, de piété et d’instruction, et je ne sais pas de quoi encore ; en conséquence, il a été reçu frère de l’ordre, et il y a peu de temps on l’a élu prieur. Quoi qu’il en soit de la vérité de cette version ou de toute autre, tout le monde au moins convient que lorsque les moines ont pris soin de lui, il ne pouvait pas parler : vous ne pouvez donc avoir entendu sa voix avant son entrée au monastère, puisqu’à cette époque il n’avait pas de voix du tout. »

« Sur ma parole, Antonia, voilà un raisonnement très serré ; vos conclusions sont incontestables. Je ne vous soupçonnais pas tant de logique. »

« Ah ! vous vous moquez de moi ; mais tant mieux. Je suis ravie de vous voir en belle humeur ; en outre, vous paraissez tranquille et plus à l’aise, et j’espère que vous n’aurez plus de convulsions. Oh ! j’étais sûre que la visite du prieur vous ferait du bien. »