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« Ma très chère mère, sa voix a produit le même effet sur moi ; et pourtant il est certain qu’aucune de nous ne l’a entendue avant d’arriver à Madrid. Ce que nous attribuons à son organe vient réellement, je suppose, de ses manières agréables qui nous empêchent de le considérer comme un étranger. Je ne sais pourquoi, mais je me sens plus à mon aise en causant avec lui que cela ne m’est ordinaire avec les gens qui me sont inconnus ; je n’avais pas peur de lui conter tous mes enfantillages, et quelque chose me disait qu’il les entendrait avec indulgence. Oh ! je ne me suis pas trompée ; il m’a écoutée avec tant de bienveillance et d’attention, il m’a répondu avec tant de douceur et de condescendance ! il ne m’a pas traitée en enfant, avec dédain, comme avait coutume de le faire notre vieux confesseur maussade. Je crois vraiment que quand j’aurais vécu mille ans en Murcie, jamais je n’aurais pu aimer ce gros vieux père Dominique. »

« J’avoue que le père Dominique n’avait pas les manières les plus agréables du monde ; mais il était vertueux, affectueux et bienveillant. »

« Oh ! chère mère, ce sont là des qualités si communes — »

« Dieu veuille, mon enfant, que l’expérience ne vous apprenne pas à les juger rares et précieuses : je n’ai eu que trop sujet de les trouver telles. Mais dites-moi, Antonia, pourquoi est-il impossible que j’aie vu le prieur auparavant ? »

« Parce que depuis son entrée au couvent il n’en a jamais dépassé les murs ; il vient de me dire que, dans son ignorance des rues, il avait eu de la difficulté à trouver celle de San-Iago, quoique si près du couvent. »

« Cela se peut ; mais je puis l’avoir vu avant qu’il ne s’y retirât : pour en pouvoir sortir, il a bien fallu qu’il commençât par y entrer. »