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vice : il disait lui vouloir du bien ; elle était reconnaissante de sa bienveillance, et ne croyait aucun tenue assez fort pour exprimer ses remercîments. Avec quelles délices Ambrosio écoutait les témoignages de sa gratitude naïve ! La grâce naturelle de ses manières, la douceur sans égale de sa voix, sa modeste vivacité, son élégance sans apprêt, sa physionomie expressive et ses yeux intelligents, s’unissaient pour le pénétrer de plaisirs et d’admiration, tandis que la solidité et la justesse de ses remarques tiraient un nouveau charme de la simplicité et du naturel de son langage.

Ambrosio fut enfin obligé de s’arracher à cet entretien qui n’avait que trop d’attraits pour lui. Il renouvela ses vœux à Antonia, répéta qu’il ne fallait pas qu’on sût ses visites, et elle lui promit le secret. Alors il quitta la maison, tandis que l’innocente enchanteresse retournait vers sa mère sans se douter du mal qu’avait fait sa beauté. Il lui tardait de connaître l’opinion d’Elvire sur l’homme qu’elle avait tant vanté, et elle fut enchantée de voir que l’enthousiasme de sa mère égalait, s’il ne surpassait même, le sien.

« Même avant qu’il parlât, » dit Elvire, « j’étais prévenue en sa faveur : la ferveur de ses exhortations, la dignité de ses manières et la vigueur de son raisonnement, ont été loin de me faire changer d’opinion. Sa voix pleine et sonore m’a frappée particulièrement ; mais certainement, Antonia, je l’avais déjà entendue : elle a paru parfaitement familière à mon oreille. Ou j’aurai connu le prieur autrefois, ou sa voix a une ressemblance étonnante avec quelque autre que j’ai souvent écouté ; elle avait certaines inflexions qui m’allaient au cœur et me faisaient éprouver des sensations si singulières, que je cherche vainement à m’en rendre compte. »