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irréfléchie et trop vaine pour ne pas être hors d’état de diriger une fille si jeune et si inexpérimentée. Le moine ne sut pas plus tôt la cause de ses alarmes, qu’il l’engagea à se tranquilliser ; il ne doutait pas qu’il ne pût procurer à Antonia un refuge assuré dans la maison d’une de ses pénitentes, la marquise de Villa-Franca : c’était une dame d’une vertu reconnue, et remarquable par la régularité de ses principes et par l’étendue de sa charité. Si quelque accident les privait de cette ressource, il s’engageait à faire admettre Antonia dans un couvent respectable, c’est-à-dire, en qualité de pensionnaire libre ; car Elvire avait déclaré qu’elle n’approuvait point la vie monastique, et le moine, soit ingénument, soit par complaisance, était convenu que sa répugnance n’était point dénuée de fondement.

Ces preuves d’intérêt gagnèrent complètement le cœur d’Elvire. Elle épuisa, pour le remercier, toutes les expressions que la reconnaissance put lui fournir, et assura qu’à présent elle descendrait tranquille au tombeau. Ambrosio se leva pour prendre congé ; il promit de revenir le lendemain à la même heure, mais demanda que ses visites fussent tenues secrètes.

« Je ne veux pas, » dit-il, « que l’on sache cette infraction à une règle que je me suis imposée par nécessité. Si je n’avais pas pris la résolution de ne point sortir du couvent, excepté dans des circonstances pareilles à celle qui m’a conduit à votre porte, je serais fréquemment appelé pour des motifs insignifiants : la curiosité, le désœuvrement, le caprice, usurperaient ce temps que je passe au lit du malade à consoler le pénitent qui expire et à purger d’épines le passage à l’éternité. »

Elvire loua également sa prudence et sa compassion, promettant de cacher soigneusement l’honneur de ses