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Antonia, qui était au chevet de sa mère, vint aussitôt le trouver.

« Pardonnez-moi, mon père, » dit-elle en s’avançant vers lui, quand, le reconnaissant, elle s’arrêta soudain et poussa un cri de joie : « Est-il possible ? » continua-t-elle, « mes yeux ne me trompent-ils point ? le digne Ambrosio a-t-il renoncé à sa résolution, pour adoucir les angoisses de la meilleure des femmes ? quel plaisir cette visite fera à ma mère ! permettez-moi de ne pas retarder d’un instant le soulagement que votre piété et votre sagesse lui procureront. »

À ces mots, elle ouvrit la porte de la chambre, présenta à sa mère son illustre visiteur, et, ayant placé un fauteuil à côté du lit, elle passa dans une autre pièce.

Elvire fut extrêmement heureuse de cette visite. La haute idée qu’elle s’était faite du prieur d’après le bruit général se trouva de beaucoup surpassée. Ambrosio, doué par la nature des moyens de plaire, n’en négligea aucun en causant avec la mère d’Antonia. Plein d’une éloquence persuasive, il calma chaque crainte et dissipa chaque scrupule : il la fit réfléchir à la miséricorde infinie de son juge ; il dépouilla la mort de ses dards et de ses terreurs, et enseigna à la mourante à envisager sans effroi l’abîme de l’éternité. Elvire était tout attentive et toute ravie ; les exhortations du moine ramenaient peu à peu la confiance et la consolation dans son âme : elle s’ouvrit à lui sans hésiter. Il avait déjà calmé ses appréhensions relativement à la vie future, et maintenant il apaisa les inquiétudes que lui donnait celle-ci. Elle tremblait pour Antonia ; elle n’avait personne aux soins de qui la recommander, excepté le marquis de Las Cisternas et sa sœur Léonella : la protection de l’un était fort incertaine ; et quant à l’autre, quoiqu’elle aimât sa nièce, Léonella était trop