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qu’à ce qu’elle fût hors de la chapelle. Alors il examina la carte, et y lut les mots suivants :

« Doña Elvire Dalfa, rue de San-Iago, à quatre portes du palais d’Albornos. »

La suppliante n’était autre qu’Antonia, et Léonella était sa compagne. Cette dernière n’avait pas consenti sans difficulté à accompagner sa nièce au couvent : Ambrosio lui imposait tellement, qu’elle tremblait rien qu’à le voir ; ses craintes l’avaient même emporté sur sa loquacité naturelle, et devant lui elle n’avait pas proféré une syllabe.

Le moine rentra dans sa cellule, où l’image d’Antonia le poursuivit. Il sentit mille émotions nouvelles s’élever dans son cœur, et il n’osait en approfondir la cause ; elles différaient totalement de celles que lui avait inspirées Mathilde lorsqu’elle lui avait révélé son sexe et son amour. Antonia n’avait point excité en lui d’idées sensuelles ; aucun désir voluptueux ne portait le désordre dans son sein, et son imagination brûlante ne lui peignait point les charmes que la pudeur avait tenus voilés. Au contraire, ce qu’il éprouvait en ce moment était un mélange de tendresse, d’admiration et de respect : une douce et délicieuse mélancolie s’épanchait dans son âme, et il ne l’aurait pas échangée contre les plus vifs transports de joie. La société lui répugnait ; il se plaisait dans la solitude, qui lui permettait de s’abandonner aux visions de sa fantaisie ; ses pensées étaient toutes modérées, tristes et calmantes, et le monde entier ne lui offrait plus d’autre objet qu’Antonia.

« Heureux ! » s’écria-t-il dans son enthousiasme romanesque, « heureux l’homme qui doit posséder le cœur de cette charmante fille ! quelle délicatesse de traits ! quelle élégance de formes ! quelle ravissante innocence dans ses yeux craintifs ! et quelle différence avec l’ex-