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teurs, et son sermon était toujours accueilli des mêmes approbations.

Il avait été choisi pour confesseur par les principales familles de Madrid, et l’on n’était point à la mode si l’on avait des pénitences imposées par un autre qu’Ambrosio. Il persistait dans sa résolution de ne jamais sortir de son couvent. Cette circonstance ne donnait qu’une plus haute opinion de sa sainteté et de son abnégation. Les femmes surtout chantaient à haute voix ses louanges : c’était moins sa dévotion qui les captivait que sa noble figure, son air majestueux et sa taille gracieuse et bien prise. La porte du monastère était encombrée de carrosses du matin au soir, et les plus nobles et les plus belles dames de Madrid confessaient au prieur leurs secrètes peccadilles. Les yeux du moine luxurieux dévoraient leurs charmes, et si ses pénitentes avaient consulté ces interprètes, il n’aurait pas eu besoin d’un autre moyen pour exprimer ses désirs ; par malheur, elles étaient si fortement persuadées de sa continence, que la possibilité qu’il eût d’indécentes pensées n’entra jamais dans leur esprit. La chaleur du climat, c’est un fait bien connu, n’agit pas médiocrement sur la constitution des dames espagnoles ; mais les plus dévergondées auraient regardé comme moins difficile d’inspirer une passion à la statue de marbre de saint François qu’au cœur froid et rigide de l’immaculé Ambrosio.

De son côté, le moine n’était guère au fait de la dépravation du monde ; il ne se doutait pas que bien peu de ses pénitentes auraient repoussé ses vœux : et même, eût-il été mieux instruit, le danger d’une telle entreprise lui eût fermé la bouche. Il sentait qu’un secret aussi étrange et aussi important que celui de sa fragilité ne serait point aisément gardé par une femme, et il tremblait