Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sang qui coulait des blessures d’Ambrosio ; il n’avait pas la force de les chasser, et ils s’attachaient à ses plaies, enfonçant leurs dards dans son corps, le couvrant de leurs essaims, et lui infligeant les plus subtiles et les plus insupportables tortures. Les aigles du rocher mirent sa chair en lambeaux, et de leurs becs crochus lui arrachèrent les prunelles. Une soif ardente le tourmentait ; il entendait le murmure de la rivière qui coulait à côté de lui, mais il s’efforçait vainement de se traîner jusque-là. Aveugle, mutilé, perclus, désespéré, exhalant sa rage en blasphèmes et en imprécations, maudissant l’existence, mais redoutant l’arrivée de la mort, qui devait le livrer à de plus grands supplices, le criminel languit six misérables jours. Le septième, il s’éleva une violente tempête ; les vents en fureur déracinaient les rocs et les forêts : le ciel était tantôt noir de nuages, tantôt tout enveloppé de feu ; la pluie tombait par torrents, elle grossit la rivière ; les flots débordèrent, ils atteignirent l’endroit où gisait Ambrosio ; et quand ils s’abaissèrent, ils entraînèrent avec eux le cadavre du moine infortuné.


Séparateur


Dame hautaine, pourquoi vous être reculée quand cette pauvre créature fragile s’est approchée de vous ? ses erreurs avaient-elles empoisonné l’air ? son haleine en passant avait-elle souillé votre pureté ? Ah ! madame, éclaircissez ce front insultant ; étouffez le reproche prêt à sortir de vos lèvres dédaigneuses : ne blessez pas une âme qui saigne déjà ! elle a souffert, elle souffre encore :