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« Arrête ! renonces-tu librement et absolument à ton Créateur et à son fils. »

« Oui ! oui ! »

« Me cèdes-tu ton âme pour toujours ? »

« Pour toujours ! »

« Sans réserve ni subterfuge ? sans appel futur à la divine merci ? »

La dernière chaîne tomba de la porte de la prison. On entendit la clef tourner dans la serrure ; déjà la porte de fer grinçait pesamment sur ses gonds rouillés —

« Je suis à vous pour toujours, et irrévocablement ! » cria le moine, éperdu d’effroi. « J’abandonne tous mes droits au salut ; je ne reconnais de pouvoir que le vôtre. Écoutez ! écoutez ! on vient ! Oh ! sauvez-moi ! emportez-moi ! »

« Je triomphe ! tu es à moi sans retour, et je remplis ma promesse. »

Pendant qu’il parlait, la porte s’ouvrit : aussitôt le démon saisit un des bras d’Ambrosio, étendit ses larges ailes et s’élança avec lui dans les airs ; la voûte s’entr’ouvrit pour les laisser passer, et se referma quand ils eurent quitté le cachot.

Le geôlier, cependant, était dans un extrême étonnement de la disparition de son prisonnier. Quoique ni lui ni les archers ne fussent entrés à temps pour être témoins de l’évasion du moine, une odeur de soufre répandue dans la prison leur apprit assez à qui il devait sa délivrance. Ils se hâtèrent d’aller faire leur rapport au grand-inquisiteur. Le bruit qu’un sorcier avait été emporté par le diable courut bientôt dans Madrid, et pendant quelques jours ce fut le sujet de toutes les conversations de la ville ; peu à peu on cessa de s’en entretenir : d’autres aventures plus nouvelles s’emparèrent de l’attention générale, et