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« Signe le parchemin, » repartit le démon d’un ton triomphant.

Le contrat et la plume sanglante étaient restés sur la table ; Ambrosio s’en approcha. Il se disposa à signer son nom. Un moment de réflexion le fit hésiter.

« Écoute ! » cria le tentateur : « on vient ! fais vite ; signe le parchemin, et je t’emporte à l’instant d’ici. »

En effet, on entendit venir les archers chargés de conduire Ambrosio au bûcher ; ce bruit encouragea le moine dans sa résolution.

« Quel est le sens de cet écrit ? » dit-il.

« Il me donne ton âme pour toujours et sans réserve. »

« Que dois-je recevoir en échange ? »

« Ma protection et ton évasion du cachot. Signe-le, et à l’instant je t’emporte. »

Ambrosio prit la plume ; il la posa sur le parchemin. De nouveau le courage lui manqua ; il se sentit au cœur une angoisse d’épouvante, et il rejeta la plume sur la table.

« Être pusillanime ! » s’écria le démon exaspéré ; « c’est assez d’enfantillage ! signe sur-le-champ cet écrit, ou je te sacrifie à ma fureur. »

En ce moment on tira le verrou de la porte extérieure ; le prisonnier entendit le bruit des chaînes ; la barre pesante tomba : les archers étaient sur le point d’entrer. Poussé à la frénésie par l’urgence du danger, reculant devant la mort, terrifié des menaces du démon, et ne voyant pas d’autre moyen d’échapper à sa perte, le malheureux céda. Il signa le fatal contrat, et le mit aussitôt dans les mains du mauvais esprit, dont les yeux, en recevant ce don, étincelèrent d’une joie maligne.

« Prenez-le ! » dit l’homme abandonné de Dieu. « Maintenant sauvez-moi ! arrachez-moi d’ici ! »