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« Ne vous contentez-vous pas d’un moindre prix ? rien ne peut-il vous satisfaire que ma perte éternelle ? Esprit, vous me demandez trop. Cependant, retirez-moi de ce cachot ; soyez mon serviteur pendant une heure, et je serai le vôtre pendant mille ans : cette offre ne suffit-elle pas ? »

« Non ; il faut que j’aie ton âme, que je l’aie à moi, à moi pour toujours. »

« Insatiable démon ! Je ne veux pas me condamner à des tourments sans fin ; je ne veux pas renoncer à l’espoir d’obtenir un jour mon pardon. »

« Tu ne veux pas ? Sur quelles chimères reposent donc tes espérances ? Mortel à courte vue ! pauvre misérable ! n’es-tu pas criminel ! n’es-tu pas infâme aux yeux des hommes et des anges ? des péchés si énormes peuvent-ils s’excuser ? espères-tu m’échapper ? Ton sort est déjà fixé : l’Éternel t’a abandonné ; tu es marqué comme moi dans le livre du destin, et tu seras à moi. »

« Démon, c’est faux. La miséricorde du Tout-Puissant est infinie, et sa clémence va au-devant du repentir. Mes crimes sont monstrueux, mais je ne veux pas désespérer du pardon ; peut-être, quand ils auront reçu le châtiment qu’ils méritent — »

« Le châtiment ? Le purgatoire est-il destiné à des coupables tels que toi ? espères-tu que tes offenses seront rachetées par des prières de radoteurs superstitieux et de moines fainéants ? Ambrosio ! sois sage. Tu dois être à moi ; tu es condamné aux flammes, mais tu peux les éviter pour l’instant. Signe ce parchemin ; je t’emporterai d’ici, et tu pourras passer le reste de tes années dans le bonheur et la liberté. Jouis de ton existence ; savoure tous les plaisirs auxquels les sens peuvent t’entraîner ; mais du moment où ton âme quitte ton corps,