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brûlés portaient encore les marques de la foudre du Tout-Puissant ; une teinte basanée assombrissait son corps gigantesque ; ses mains et ses pieds étaient armés de longues griffes ; ses yeux étincelaient d’une fureur qui aurait frappé d’épouvante le cœur le plus brave ; sur ses vastes épaules battaient deux énormes ailes noires, et ses cheveux étaient remplacés par des serpents vivants qui s’entortillaient autour de son front avec d’horribles sifflements ; d’une main il tenait un rouleau de parchemin, et de l’autre une plume de fer : l’éclair brillait toujours autour de lui, et le tonnerre, à coups répétés, semblait annoncer la dissolution de la nature.

Épouvanté d’une apparition si différente de celle qu’il avait attendue, Ambrosio, privé de la parole, resta à contempler le démon. Le tonnerre avait cessé de gronder ; une silence absolu régnait dans le cachot.

« Pourquoi me mande-t-on ici ? » dit le démon d’une voix enrouée par les brouillards sulfureux.

À ces sons, la nature parut trembler ; le sol fut ébranlé par une violente secousse, accompagnée d’un nouveau coup de tonnerre, plus fort et plus effrayant que le premier.

Ambrosio fut longtemps sans pouvoir répondre à la demande du démon.

« Je suis condamné à mort, » dit-il d’une voix faible, et son sang coulant froid dans ses veines tandis qu’il contemplait son terrible interlocuteur ; « sauvez-moi, emportez-moi d’ici ! »

« Le prix de mes services me sera-t-il payé ? Oses-tu embrasser ma cause ? seras-tu à moi, corps et âme ? es-tu prêt à renier celui qui t’a fait, et celui qui est mort pour toi ? Réponds seulement « oui ! » et Lucifer est ton esclave. »