Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Restez encore un instant, Mathilde ! Vous commandez aux démons infernaux ; vous pouvez forcer les portes de cette prison ; vous pouvez me délivrer des chaînes qui m’accablent : sauvez-moi, je vous en conjure, et emmenez-moi de ce redoutable séjour ! »

« Vous demandez la seule faveur qu’il ne soit pas en ma puissance d’accorder : il m’est interdit de secourir un homme d’église et un serviteur de Dieu. Renoncez à ces titres, et disposez de moi. »

« Je ne veux pas vendre mon âme à la perdition. »

« Persistez dans votre entêtement jusqu’à ce que vous soyez sur le bûcher : alors vous vous repentirez de votre erreur, et vous soupirerez après votre évasion dont le moment sera passé. Je vous quitte — cependant avant que l’heure de votre mort n’arrive, en cas que la sagesse vous éclaire, écoutez les moyens de réparer votre faute présente. Je vous laisse ce livre ; lisez au rebours les quatre premières lignes de la septième page : l’esprit que vous avez déjà vu vous apparaîtra à l’instant. Si vous êtes sensé, nous nous reverrons ; sinon, adieu pour toujours ! »

Elle laissa tomber le livre à terre ; un nuage de flamme bleue l’enveloppa : elle fit signe de la main à Ambrosio, et disparut. La lueur momentanée que le feu avait répandue dans le cachot, en se dissipant soudainement, semblait en avoir augmenté l’obscurité naturelle. La lampe solitaire donnait à peine assez de lumière pour guider le moine à une chaise ; il s’y jeta, croisa les bras, et, appuyant sa tête sur la table, il s’abîma dans des réflexions pleines de perplexité et de désordre.

Il était encore dans cette attitude lorsque la porte de la prison, en s’ouvrant, le tira de sa stupeur. Il fut sommé de paraître devant le grand-inquisiteur. Il se leva,