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ses yeux ne furent pas plus tôt fermés que les effrayantes visions dont son esprit avait été poursuivi tout le jour parurent se réaliser. Il se trouva dans des royaumes sulfureux et dans des cavernes brûlantes, entouré de démons chargés d’être ses bourreaux, et qui le soumirent à une diversité de tortures toutes plus affreuses l’une que l’autre. Au milieu de ces horribles scènes, erraient les fantômes d’Elvire et de sa fille ; elles lui reprochaient leur mort, racontaient ses crimes aux démons, et les pressaient de lui infliger des tourments d’une cruauté encore plus raffinée. Telles étaient les images qui flottèrent devant ses yeux dans le sommeil : elles ne s’évanouirent que lorsque son repos fut interrompu par l’excès de sa douleur. Alors il s’élança de la couche où il s’était étendu, le front ruisselant d’une sueur froide, les yeux hagards et égarés, et il n’échangea que contre une terrible certitude des idées qui n’étaient guère plus supportables. Il parcourut son cachot à pas désordonnés ; il contempla avec terreur les ténèbres qui l’entouraient, et cria souvent : « Oh ! la nuit est affreuse pour les coupables ! »

Le jour de son second interrogatoire approchait ; on l’avait forcé d’avaler des cordiaux, dont les propriétés devaient lui rendre des forces et le mettre en état de soutenir plus longtemps la question. La nuit qui précéda ce jour redouté, la peur du lendemain ne lui permit pas de dormir : ses terreurs étaient si violentes qu’elles annulaient presque ses facultés mentales. Il était assis, comme un homme hébété, près d’une table sur laquelle brûlait sa sombre lampe ; abruti par le désespoir, il résista quelques heures, incapable de parler, de se mouvoir et même de réfléchir.

« Regarde, Ambrosio ! » dit une voix dont l’accent lui était bien connu.