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sentaient à lui dans toute leur évidence ; mais elles ne servaient qu’à le jeter dans l’égarement. Elles détruisaient son espoir mal fondé d’échapper au châtiment ; et dispersées par l’irrésistible clarté de la vérité et de la conviction, les vapeurs trompeuses de la philosophie s’évanouissaient comme un rêve.

Dans des angoisses presque trop fortes pour être supportées par un mortel, il attendit l’époque de son nouvel interrogatoire. Il s’occupait à combiner des plans inutiles pour éviter la punition présente et future : la première, ce n’était pas possible ; la seconde, le désespoir lui en faisait négliger les moyens. Pendant que la raison l’obligeait à reconnaître l’existence d’un dieu, la conscience le faisait douter que sa bonté fût infinie ; il ne croyait pas qu’un pêcheur tel que lui pût trouver grâce. Il n’avait pas failli par erreur : l’ignorance ne lui pouvait fournir aucune excuse ; il avait vu le vice sous un vrai jour. Avant de commettre ses crimes, il en avait mesuré à loisir toute l’étendue, et cependant il les avait commis.

« Pardon ! » s’écria-t-il dans un accès de frénésie ; « oh ! il n’y en a pas pour moi ! »

Dans cette persuasion, au lieu de s’humilier dans la pénitence, de déplorer sa faute, et d’employer le peu d’heures qui lui restaient à désarmer la fureur du ciel, il s’abandonna à des transports de rage, il s’affligea de la punition et non du crime, et exhala les angoisses de son sein en soupirs inutiles, en vaines lamentations, en blasphème et en désespoir. Quand le peu de jour qui passait à travers les barreaux de sa fenêtre disparut par degrés, et qu’il fut remplacé par la pâle lueur de la lampe, il sentit ses terreurs redoubler, et ses idées devenir plus sombres, plus solennelles, plus découragées. Il redoutait l’approche du sommeil ; fatigués de larmes et de veilles,