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plications n’obtinrent aucun adoucissement à sa sentence, et elle fut entraînée de force hors de la salle d’audience.

Rentré dans sa prison, Ambrosio trouva les souffrances de son corps bien plus supportables que celles de son esprit. Les membres disloqués, les ongles arrachés de ses mains et de ses pieds, et ses doigts écrasés et brisés par la pression des étaux, n’étaient rien comme angoisse, comparés à l’agitation de son âme et à la violence de ses terreurs. Il voyait que, coupable ou innocent, ses juges étaient décidés à le condamner. Le souvenir de ce que sa dénégation lui avait déjà coûté, et l’effrayante perspective d’être appliqué de nouveau à la question, l’engageaient presque à confesser ses crimes. Puis les conséquences de son aveu lui passaient devant les yeux et le rejetaient dans l’irrésolution. Sa mort était inévitable, et la mort la plus affreuse. Il avait entendu la condamnation de Mathilde, et ne doutait pas qu’on ne lui en réservât une semblable. Il frémissait à l’approche de l’auto-da-fé, à l’idée de périr dans les flammes et de n’échapper à d’intolérables tourments que pour en subir d’autres plus aigus et éternels ! Il portait avec effroi l’œil de sa pensée au-delà de la tombe ; et il ne pouvait se dissimuler les justes raisons qu’il avait de redouter la vengeance du ciel. Perdu dans ce labyrinthe de terreurs, il aurait bien voulu se réfugier dans les ténèbres de l’athéisme ; il aurait bien voulu nier l’immortalité de l’âme, se persuader que ses yeux une fois fermés ne se rouvriraient plus et que le même instant anéantirait son âme et son corps : cette ressource même lui fut refusée. Pour lui permettre de s’aveugler sur la fausseté de cette croyance, son savoir était trop étendu, son jugement trop solide et trop juste. Il ne pouvait s’empêcher de sentir l’existence d’un Dieu. Ces vérités, autrefois sa consolation, maintenant se pré-