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pas commis de crime, ils n’ont pas d’aveu à faire, on les met sans délai à la torture : on recommence par intervalles, jusqu’à ce que les prévenus se reconnaissent coupables, ou que la persévérance des juges se lasse et s’épuise ; mais, sans une confession formelle de leur culpabilité, l’inquisition ne prononce jamais sur les prisonniers un arrêt définitif. En général, on laisse écouler beaucoup de temps sans les questionner ; mais le procès d’Ambrosio avait été accéléré à cause d’un solennel auto-da-fé qui devait avoir lieu à quelques jours de là, et dans lequel les inquisiteurs avaient l’intention de faire jouer un rôle à ce prévenu remarquable, afin de donner un témoignage frappant de leur vigilance.

Le prieur n’était pas seulement accusé de viol et de meurtre : le crime de sorcellerie était mis à sa charge ainsi qu’à celle de Mathilde. Elle avait été arrêtée comme complice de l’assassinat d’Antonia : en faisant des perquisitions dans sa cellule, on y avait trouvé divers livres et instruments suspects qui justifiaient l’accusation portée contre elle. Pour incriminer le moine, on avait produit le miroir étincelant que Mathilde avait laissé chez lui par hasard : les étranges figures qui y étaient gravées avaient attiré l’attention de don Ramirez lors de ses recherches dans la cellule du prieur ; en conséquence, il l’avait emporté. On le montra au grand-inquisiteur, qui, après l’avoir considéré quelque temps, prit une petite croix d’or qui pendait à sa ceinture, et la posa sur le miroir : aussitôt on entendit un grand bruit pareil à un coup de tonnerre, et l’acier se brisa en mille morceaux. Cette circonstance confirma le soupçon que le moine s’était occupé de magie ; on supposa même que son ancienne influence sur l’esprit du peuple était due entièrement à des sortilèges.

Déterminés à lui faire confesser non seulement les