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passé sa jeunesse dans le monde, il eût fait preuve de brillantes et mâles qualités ; il était entreprenant, ferme et hardi ; il avait le cœur d’un guerrier, et aurait pu figurer avec éclat à la tête d’une armée ; il ne manquait pas de générosité : les malheureux étaient sûrs d’être écoutés de lui avec pitié ; son intelligence était prompte, lumineuse, et son jugement vaste, solide, arrêté. Doué de telles qualités, il eût été l’ornement de son pays : qu’il en fût doué, il l’avait prouvé dès sa plus tendre enfance, et ses parents avaient vu ses vertus naissantes avec des transports de joie et d’admiration. Malheureusement il perdit ses parents tout jeune encore : il tomba au pouvoir d’un collatéral qui, n’ayant pas d’autre désir que de ne plus entendre parler de lui, le donna en garde à son ami, le dernier supérieur des Capucins. Le prieur, en vrai moine, fit tous ses efforts pour persuader à l’enfant que le bonheur n’existait pas hors des murs d’un couvent : il réussit pleinement ; Ambrosio n’eut pas d’autre ambition que d’être admis dans l’ordre de saint François. Ses directeurs réprimèrent soigneusement en lui les vertus dont la grandeur et le désintéressement convenaient mal au cloître. Au lieu d’une bienveillance universelle, il adopta une égoïste partialité pour son propre établissement : on lui enseigna à considérer la compassion pour les erreurs d’autrui comme le plus noir des crimes ; la noble franchise de son caractère fit place à une servile humilité. Pour briser son courage naturel, les moines terrifièrent sa jeune âme, en lui mettant devant les yeux toutes les horreurs inventées par la superstition : ils lui peignirent les tourments des damnés sous les couleurs les plus sombres, les plus effrayantes, les plus bizarres, et le menacèrent d’une éternelle perdition à la plus légère faute. Il n’est pas étonnant que son imagination, appesantie sur ces objets de