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Tandis que la question de son innocence se débattait dans Madrid avec une chaleur extrême, Ambrosio était en proie aux tortures d’une conscience criminelle, et aux terreurs du châtiment suspendu sur sa tête. Quand il reportait ses regards sur la position éminente qu’il occupait naguère, universellement honoré et respecté, en paix avec le monde et avec lui-même, il avait peine à croire qu’il fût réellement l’accusé, dont il tremblait d’envisager les crimes et la destinée. Peu de semaines auparavant, il était pur et vertueux, recherché par les gens les plus sages et les plus distingués de Madrid, et regardé du peuple avec une vénération qui approchait de l’idolâtrie ; il se voyait maintenant souillé des forfaits les plus abhorrés, les plus monstrueux, l’objet de l’exécration générale, prisonnier du saint-office, et probablement condamné à périr du plus rigoureux supplice. Il ne pouvait espérer de tromper ses juges ; les preuves de sa culpabilité étaient trop fortes : sa présence dans le cimetière à une heure si avancée, son trouble en se voyant découvert, le poignard que, dans un premier moment d’effroi, il avait avoué avoir été caché par lui, et le sang qui avait jailli de la blessure d’Antonia sur son habit, le désignaient suffisamment comme l’assassin. Il attendait dans les transes le jour de l’interrogatoire. Il était sans consolation dans sa détresse ; la religion ne pouvait lui inspirer du courage. S’il lisait les livres de morale qu’on avait mis dans ses mains, il n’y voyait que l’énormité de ses fautes ; s’il essayait de prier, il se rappelait qu’il ne méritait pas la protection du ciel, et croyait ses crimes trop monstrueux pour ne pas surpasser même la bonté infinie de Dieu : il pensait que tout autre pécheur pourrait espérer, mais non pas lui. Frémissant du passé, tourmenté du présent, et redoutant l’avenir, ainsi s’écoulèrent le peu